Jessica Garin : « J’ai repris l’entreprise par fierté familiale, et je reste pour mes Compagnons ! »
Après une formation en alternance – DUT de génie civil et diplôme d’ingénieure BTP – Jessica fait ses armes chez Vinci Construction. Sept précieuses années pendant lesquelles ses dirigeants lui délèguent la gestion de chantiers complexes. « Grâce à eux, j’ai compris que tout s’apprend en étant tenace, en cherchant des solutions sur Internet, dans les livres, auprès des collègues. Les valeurs humaines, la confiance, tout est là ! C’est encore grâce à eux que j’ai osé reprendre les rênes de l’entreprise paternelle en 2015. Leurs encouragements m’ont permis de m’investir… et de réussir ! »
Changer de cap pour gagner
Passionné d’histoire et de patrimoine, notamment de modes constructifs ancestraux, le père de Jessica fonde Garin Frères en 1982, à Sainte-Hélène-sur-Isère (73). La première entreprise française à acquérir une machine de taille emploie alors jusqu’à 100 personnes. Vingt ans plus tard, Eurotoiture diversifie son offre pour les monuments historiques d’Auvergne Rhône-Alpes, principalement recouverts d’ardoise, de tuiles ou de lauzes.
« En 2015, mon père qui travaillait depuis l’adolescence a voulu lever le pied et m’a laissé la direction de son entreprise. J’ai embauché de nouveaux profils, développé les chantiers traditionnels de montagne et notre activité pour les monuments historiques dans le grand Sud Est de la France. » Résultat : le CA d’Eurotoiture passe de 2,5 M€ à 5 M€ en 3 ans.
Ma méthode de management ? Humilité et bienveillance !
Pour Jessica, être la seule femme dirigeante dans son secteur présente plus d’avantages que d’inconvénients. « Mon père et moi, nous sommes connus pour notre bienveillance, notre écoute des clients. Nous sommes amoureux de notre métier, des merveilleux châteaux et églises que nous rénovons pour une clientèle à 70% publique. J’ai adopté un management participatif et transparent avec mes 43 collaborateurs, parmi lesquels six Compagnons du Devoir et du Tour de France – couvreurs et charpentiers – auxquels nous transmettons nos savoir-faire.
On partage tout : l’esprit de famille, le punch, les succès, les ennuis… Je désigne un chef pour chaque chantier mais ce n’est pas toujours le même. Tous sont de fabuleux partenaires ! »
Quand une rénovation appelle Eurotoiture loin de la Tarentaise, à La Réunion par exemple, ceux qui souhaitent voyager se désignent. Jessica, de son côté, gère avec rigueur tous les sujets administratifs et financiers de l’entreprise. « L’envers du décor » pour elle qui n’aime rien tant que grimper sur un échafaudage pour voir de près les angelots du Dôme de l’Hôtel-Dieu de Lyon, ou les réunions sur des chantiers emblématiques, comme ceux de l’abbaye royale d’Hautecombe ou du Château de Tallard, près de Gap.
Engagée pour l’écoconception
Pour leur qualité et la valorisation des circuits courts, Jessica préfère le bois certifié des Alpes pour les poutres ou le plomb français pour les corniches. Mais quand la ressource nationale manque, elle ne baisse pas les bras. L’ardoisière d’Angers ferme ? Elle s’adresse aux fournisseurs espagnols les plus proches ou convainc l’ardoisière des Pyrénées de rouvrir : « Pour la rénovation du Fort de Mont-Dauphin, près de Briançon, nous avions besoin de 1500 m2 d’ardoises, l’exploitant a joué le jeu pour l’occasion ! ». Rester fidèle à l’identité originelle des monuments historiques stimule (voire ressuscite) les artisanats locaux : « Pour les tuiles du château de Montrottier, en Haute-Savoie, nous avons fait fabriquer un moule spécial par une tuilerie de Saint-Etienne. Sans cesse, nous sollicitons de nouveaux partenaires et nous partageons nos compétences. Je suis membre de l’association européenne des entreprises de restauration du patrimoine architectural : que ce soit en Allemagne, en Roumanie, en Espagne… notre objectif commun est de sauvegarder les techniques qui donnent leur personnalité à nos territoires. »
