Jérôme Degouey : « L’investissement dans l’immobilier d’altitude est une piste sûre qui se confirme. »
Après plusieurs années passées dans l’agence immobilière familiale, Jérôme Degouey la rachète en association avec un sleeping partner, il y a dix ans. Il a donc les coudées franches pour développer son marché et mise sur deux options : un management traditionnel et des outils digitaux pour garder le contact avec ses clients.
Un empire dans un mouchoir de poche
Avec un diplôme d’école de commerce (IFAG Lyon), Jérôme Degouey se forme aux côtés de son père à la gestion de l’agence fondée par son grand-père. Parti tôt à la retraite pour exercer sa charge de Maire de Val d’Isère, son père lui cède la société. Seul aux commandes avec cinq responsables de services, « tous présents depuis plus de 15 ans », il revendique une stratégie contraire à celle d’autres agences du territoire :
« Nous ne travaillons que sur Val d’Isère et notre parti pris fonctionne. Notre périmètre géographique est minuscule, pas plus de 5 km2, mais notre connaissance fine du terrain et notre présence constante nous permettent de réaliser 80 transactions par an, du studio à 60 000€ au chalet de prestige à 15 M€. Nous gérons aussi 4 000 contrats de location et notre syndic s’occupe de la maintenance de 120 résidences, soit 4 000 appartements. »
Service à la carte
Chaque année, Val d’Isère Agence reçoit plus de 15 000 clients répartis dans plus de 500 hébergements. Pour eux, Jérôme Degouey joue sa carte maîtresse : la relation humaine. « Notre différence avec les grands groupes qui gèrent l’immobilier dans 300 stations françaises, c’est que nous manions le patrimoine, pas des chiffres. Si nos syndics gèrent 90% des immeubles de la station, c’est parce que mes collaborateurs et moi habitons tous sur place. Il n’y a pas de turn over dans les équipes et nous sommes disponibles 7 jours/7 en saison. Le service, la stabilité et la tranquillité d’esprit que nous apportons ont gagné la confiance de nos clients. Un propriétaire qui n’occupe son appartement que 3 à 4 semaines veut en profiter pleinement. Il nous connaît et s’il nous appelle à 22h, nous pouvons envoyer les déneigeuses à 1 850 m d’altitude pour dégager la voie. C’est notre force. »
La crise : un accélérateur digital
Pendant le premier confinement, les employés de Val d’Isère Agence sont restés chez eux, en télétravail. Revenus dans les locaux entièrement refaits en 2017, ils ont évité les réunions en présence via les visioconférences. Dans 500m2 de bureaux sur trois niveaux, chacun a préservé son espace. En front office, 9 agents de location ont reçu les clients derrière des baies vitrées. Les gestes barrière ont permis de poursuivre les visites des biens et leurs transactions.
L’agence de Jérôme Degouey n’a donc enregistré que très peu de chômage partiel pour le service gestion des copropriétés en 2020 : « Mes collaborateurs ont poursuivi leurs missions et leurs relations internes et externes à distance. La jeune clientèle communique avec nous sur les réseaux sociaux, les clients plus âgés via les mails. Nous avons aidé les plus anciens à participer à la vie de leur immeuble en leur expliquant le fonctionnement des outils de communication à distance et les logiciels de vote en ligne, très utiles en période de pandémie. »
Aimer la montagne et ses hommes
Jérôme Degouey skie tous les dimanches et savoure chaque jour le paysage savoyard. Pour rien au monde, il ne serait resté vivre à Lyon ou Londres, des villes où il a passé quelques mois de sa vie. Mais reconnaît-il, « il est difficile d’attirer des collaborateurs qui résistent aux cinq mois de fermeture annuelle de la station. Nous sommes à deux heures d’Annecy ou Grenoble, les voies de communication sont beaucoup plus praticables qu’avant, mais quand je recrute, j’aborde cette question. Il est difficile pour de jeunes parents d’inscrire leurs enfants dès l’âge 11 ans à l’internat de Bourg-Saint-Maurice… S’ils ne sont pas passionnés par notre territoire, les gens du pays s’en vont. Alors pour ceux qui restent, je pratique un management familial qui répond à leurs attentes personnelles et je tiens compte de la contrainte de l’altitude en termes de rémunération. »
Ses fils étant trop jeunes pour lui succéder, Jérôme Degouey espère que l’épidémie de covid aura une conséquence inattendue : « La fuite des citadins des grandes agglomérations vers les zones moins habitées va peut-être susciter de nouvelles vocations dans les Alpes ? »
L’investissement immobilier perdure
Si le bilan de la location est en berne à Val d’Isère Agence comme dans toutes les Alpes françaises (entre -80 et -90% de CA), la transaction a très bien fonctionné malgré la fermeture de la station depuis mars 2020. Au 30 juin 2021, Jérôme Degouey a déjà prévu une clôture de bilan positive. Son analyse : « Les gens ont moins dépensé en 2020 et ils veulent investir dans la pierre. »
Parmi les acheteurs, des fans de ski qui entrevoient l’arrêt proche de la pandémie et « des dirigeants du CAC 40 qui placent leurs acquis à Val d’Isère, où se trouve l’une des plus grandes amplitudes de prix du massif : de 7000 à 30 000 € le m2. La moyenne d’estimation des biens vendus varie entre 500 000 et 3M€. »
Le ski reste central
S’il prévoit que les vaccins vont éclaircir l’horizon touristique, Jérôme Degouey reste prudent. En tant que spécialiste de l’immobilier, il a une vision globale des atouts du site. Avec lucidité, il note : « Notre clientèle, très attachée à notre station, est étrangère à 50%. Les frontières européennes vont rouvrir mais nous prévoyons la baisse des longs courriers. Ce que nous savons aussi c’est que le ski est essentiel pour l’attractivité de notre destination, renommée pour son grand ski d’altitude. Malgré les Investissements lourds et les trésors d’ingéniosité déployés pour développer d’autres loisirs, nous avons vérifié nos intuitions : même avec 30% de remise sur nos tarifs de séjour, les touristes ne viennent pas si nos remontées mécaniques sont fermées. Nos confrères de basse et moyenne montagne s’en sortent mieux ; le ski n’est pas roi dans leurs stations et leur diversification a un plus fort impact que chez nous. »