Jean-Pierre Hugueniot : « L’e2c redonne confiance aux jeunes qui n’ont pas eu de première chance. »

 Dans A Hauteur d'Homme, Savoyard de coeur

A 15 ans, Jean-Pierre Hugueniot est déjà chef de patrouille aux Eclaireurs de France et organise des camps en Autriche et en Italie. Très tôt, ce fils de sculpteur sur bois et entrepreneur en reprographie, aime prendre les rênes. Qu’il gère une entreprise, préside un club sportif ou qu’il épouse une cause sociale, il le fait toujours avec l’esprit d’équipe.

 

Pour vous, Jean-Pierre Hugueniot, être un premier de cordée est une seconde nature ?

Oui sans doute ! J’ai étudié dans la branche graphique de l’école Estienne à Paris et j’ai créé mon entreprise d’imprimerie en 1966. Je l’ai développée avec des ateliers de photocomposition, de création et de photogravure. Je suis aussi devenu président du syndicat des imprimeurs de Savoie, puis président régional et responsable de l’apprentissage au sein de la Fédération française des arts graphiques. Lorsque j’ai cédé mon entreprise en 2003, j’étais élu à la CCI de Savoie depuis 1982. Après trois mandats de président (1998-2011), je ne me suis pas représenté suite aux dernières réformes des CCI. C’est à ce moment-là qu’a commencé l’aventure de l’Ecole de la deuxième chance en Savoie grâce à mon réseau d’entreprises, bien utile pour l’insertion des jeunes dans la vie active. Depuis le 30 janvier 2011, je me consacre à ma mission de président fondateur de l’e2c Savoie.

 

Qui sont les jeunes que vous accueillez dans cette école ?

Chaque année, nos promotions sont composées de 100 à 130 jeunes de 16 à 25 ans. Leur niveau moyen d’instruction est celui du CM1, beaucoup ont des problèmes cognitifs mais ils ne sont pas dépourvus d’intelligence. La plupart des jeunes viennent de Savoie, les autres sont des étrangers francophones et des migrants (30%) qui parlent peu ou pas français. Ils sont issus de quartiers difficiles, sont parfois sortis de prison ou rejetés par leurs familles. S’ils ont un problème de logement, nous les mettons en relation avec les foyers de jeunes. Nous sommes à leur écoute : notre but est de leur redonner confiance en eux-mêmes et dans la société, en leur proposant une formation qui leur ouvre la voie vers une activité qui leur plaît.

 

Quelles sont les connaissances essentielles dispensées par l’e2c ?

Nous accompagnons nos stagiaires en alternance vers une insertion professionnelle durable avec un parcours moyen de 6 à 8 mois.

Nos 7 formateurs spécialisés les guident avec bienveillance et exigence sur trois axes :

L’acquisition de compétences : leur mise à niveau individualisée en français, maths et informatique permet leur employabilité.

L’expérience en entreprise : l’école reproduit ce qu’attend l’entreprise. Les stagiaires doivent arriver à l’heure et se conduire avec rigueur et responsabilité pour percevoir leur indemnité mensuelle de 500 €.

L’accompagnement à l’inclusion : nous leur apprenons les règles de savoir-être, le respect mutuel, l’engagement, la citoyenneté, la solidarité et l’exemplarité…. Pour une bonne présentation lors des entretiens d’embauche, nous avons même fait une collecte de vêtements.

Notre équipe et nos intervenants extérieurs encouragent l’émancipation et l’autonomie des jeunes dans leur projet de vie. 65% de nos jeunes sortent avec un emploi ou une formation qualifiante et l’école assure leur suivi post-parcours pendant 12 mois minimum.

 

Qui sont les entrepreneurs qui soutiennent votre démarche ?

Nous pouvons compter sur un réseau de 300 à 400 entreprises susceptibles d’accueillir nos jeunes. Nous organisons des visites pour la découverte des activités, des stages, de l’apprentissage, de l’emploi dans différents secteurs : bâtiment, espaces verts, restauration-hôtellerie, industrie, soins à la personne… Nous sommes identifiés pour le recrutement des premiers niveaux de qualification et nos formateurs répondent très rapidement à toutes les demandes des employeurs. Parmi ces derniers, certains viennent à l’e2c pour expliquer le monde de l’entreprise aux jeunes gens, en se prêtant par exemple au jeu de la simulation d’embauche.

 

Est-ce que l’interface que vous assurez entre les jeunes éloignés de l’emploi et l’entreprise est suffisant pour rapprocher les deux mondes ?

Nous sommes loin du compte ! Ceux qui viennent ont entendu parler de nous par le bouche à oreille, les Maisons de quartier, les Missions locales, mais nous estimons à 4000 le nombre de jeunes en déshérence sur le bassin de Chambéry-Aix-les-Bains. Notre budget de 850 000 € par an est financé par les Communautés de communes de Chambéry et Aix-les-Bains (10%), la Région (30%), l’Etat (30%), le Fonds social européen (10%) et le solde par la taxe d’apprentissage, le mécénat local et le sponsoring.

Malheureusement, notre projet d’extension à Annecy n’a pas abouti, faute de soutien de la Région. Ce qui donne de l’espoir aux 9 bénévoles du Bureau et aux 26 membres du Conseil d’administration de notre association, ce sont les retours d’expérience de nos stagiaires. Quand ils réintègrent la vie active et deviennent indépendants, leurs témoignages donnent du sens à notre action.

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