Frédéric Dronne : « Notre nouvelle borne de gel hydroalcoolique, construite à partir de skis recyclés, est 100% locale ! »
﹛𝐇𝐎𝐑𝐒 𝐒𝐄́𝐑𝐈𝐄 : Comment l’ont-ils vécus ?﹜
La pandémie Covid-19 a bousculé nos repères, personnels et professionnels. Elle a remis en questions nos fonctionnements, nos certitudes, voire la pérennité de nos activités. Toujours à « hauteur d’Homme », au plus près de vos préoccupations, la Banque de Savoie a interrogé les acteurs de la vie économique locale. Voici leurs témoignages à chaud sur la période inédite que nous traversons.
Frédéric Dronne, quel point négatif retenez-vous de cette crise Covid-19 ?
Après le 13 mars, date de notre dernière prestation, tout s’est arrêté pour nous : les événements programmés en avril, mai, juin et jusqu’à mi-juillet ont été annulés. Depuis le déconfinement, nos prestations sont beaucoup moins nombreuses que d’habitude puisque nos clients – l’Université Savoie Mont Blanc, les Communautés de communes d’Aix ou Annecy, des associations et entreprises – nous sollicitent surtout en juin. Cette année, sur cette période où se concentre une grande partie de notre activité, nous avons enregistré une perte d’environ 60 000 €.
Comment votre entreprise a-t-elle réagi à la crise sanitaire ?
Nous sommes une petite structure de trois personnes, Romuald et moi-même travaillons avec une employée qui prépare les cocktails dans notre laboratoire. Nous avons donc raisonné par phase : d’abord, le chômage partiel pour notre employée. Ensuite, rester en contact avec nos clients pour reporter les dates sur lesquelles nous étions engagés. Puis nous nous sommes attelés à des tâches que nous n’avions pas encore eu le temps de terminer, comme la mise au point de notre module de gestion (ERP), le réagencement de nos locaux pour améliorer notre environnement de travail… Toujours pour développer notre activité, nous avons réfléchi à une méthode originale qui permette de respecter les réglementations sanitaires lors de nos prochaines prestations. Ce qui nous a amené à inventer la borne de gel hydro alcoolique « On se les gèle ici » !
Quelle a été votre source d’inspiration ?
Nous étions confinés au pied du bois Lamartine à Tresserve, à l’époque de la « démontagnée » des skis usagés. J’ai conçu un mécanisme de pompe à gel hydro alcoolique qui fonctionne en appuyant sur l’ancienne fixation avec le pied. Cette pression déclenche le planter du bâton qui vient gratter un peu de gel. Le support de ce dispositif est tout simplement la paire de skis, 100% recyclée. Le geste est ludique, facile, sans contact. Il dédramatise « l’hygiénisation » des mains des participants avant nos repas et nos apéros. Avec la borne « On se les gèle ici », la fête est plus saine !
Quelle est votre source d’approvisionnement pour ce dispositif ?
Romuald a trouvé une filière durable pour nos skis, flacons, pompes et gel hydro alcoolique. Notre borne est 100% locale, produite à partir du recyclage de skis usagés des chantiers valoristes. Le gel est produit par les laboratoires Phytema en Chautagne et conditionné dans un flacon fabriqué à Oyonnax par PRP Création. Ces entreprises nous ont bien aidés quand les approvisionnements mondialisés tanguaient ! Pour le montage des bornes, nous travaillons avec un centre d’insertion de Chambéry spécialiste du bois. J’ai proposé cinq versions pour arriver à un modèle standardisé, que nous peaufinons encore pour gagner du temps. Pour simplifier le travail, nous venons par exemple d’adapter le frein de pente au socle en tordant ses deux branches, ce qui évite l’usinage du socle de bois.
L’économie circulaire est donc le fil rouge de vos deux activités ?
Absolument. Nos convictions s’expriment dans la valorisation des produits locaux, « sourcés » jusqu’à 40 km autour des événements de nos clients. Notre fichier de fournisseurs pour nos buffets froids recense environ 400 artisans, commerçants, producteurs, maraîchers en Savoie, Haute Savoie et autour de Lyon. Nous sommes restés dans la même logique de « sourcing » de voisinage pour nos bornes de gel. Nous cherchons à favoriser le contact humain, le recours aux travailleurs handicapés ou en insertion pour certaines tâches, la pérennisation des savoir-faire, le respect de notre environnement avec la limitation des déchets et la réutilisation du matériel.
Quels sont les impacts positifs que vous retenez de cet épisode de crise ?
La création et la production de cette borne ont fait connaître notre entreprise. Cette initiative nous a valu plus d’une vingtaine d’articles, un passage sur Europe 1… Elle attire l’attention sur nous mais elle n’a pas l’ambition de compenser les pertes de notre activité première. Nous l’avions conçue pour nos événements et nous en avons vendu une douzaine*. Nous allons tenter son déploiement pour la saison d’hiver auprès des réseaux de fabricants et loueurs de ski, dans les stations.
*Deux solutions sont proposées : La location ou L’achat
Comment voyez-vous l’avenir de votre entreprise ?
La Source Voisine existe depuis dix ans. Nous savons que notre concept a un fort potentiel de développement et nous projetons l’ouverture d’autres antennes dans la région Auvergne Rhône-Alpes dans les dix prochaines années. Après Lyon, nous visons l’Ain, l’Isère… Toujours pour des réceptions locavores (servies dans de la vaisselle pérenne), des animations en restauration collective, des cadeaux gourmands, des mini marchés de producteurs, des commandes groupées de produits locaux achetés en circuits courts et circuits de proximité. Nous voulons conserver nos deux activités car nos bornes « On se les gèle ici » vont sans doute servir pour un geste qui va faire partie de notre quotidien. Pour décliner ce concept dans d’autres régions, je réfléchis à un support moins « alpin ». Je suis originaire de l’Ouest et je pensais au recyclage du ski nautique, ou pourquoi pas du vélo ?