Alexandre Jenny : « I confess, I’m a geek. »
Serial entrepreneur dans l’univers des jeux vidéo et de l’image high-tech, Alexandre Jenny en a désormais fini avec la solitude du dirigeant. En 2018, il a ouvert le Hub des Alpes, un lieu inspirant pour ceux qui, comme lui, ont toujours eu envie de partager et d’apprendre. Il a fait de ce Hub une plateforme d’échange pour accompagner et conseiller le développement de start-up savoyardes.
Première étape de votre ascension digitale : des études d’informatique ?
Pas du tout, je suis sorti ingénieur matériau de l’Ecole des Mines de Nancy en 1997, avec un DEA de physique chimie matière et matériau en prime. Comme je codais depuis tout petit, j’ai quand même opté pour le métier de développeur de jeu vidéo. Quoi de plus cool ?
J’ai envoyé trois CV et j’ai débuté chez Infogrames à Villeurbanne, en 1998. La start-up lyonnaise d’édition et distribution de jeux vidéo était alors à son apogée. En 2001, je suis parti dans un studio de jeu vidéo indépendant, Pumpkin Effect.
Quand avez-vous pris votre indépendance ?
En 2004, j’ai fondé la société Kolor pour diffuser une solution d’imagerie panoramique que j’avais mise au point pour moi, par passion pour la photographie. Le week-end, je grimpais dans les Alpes avec mon appareil photo reflex et je voulais conserver intact le souvenir des panoramas qui s’offraient à moi. Le logiciel conçu pour assembler mes images d’escalade est devenu une référence mondiale pour les photographes amateurs et professionnels.
Kolor a été achetée par l’américain GoPro en 2015 pour combiner mon logiciel multimédia sphérique avec les appareils de capture les plus polyvalents du monde. J’ai popularisé la technologie permettant de créer des panoramas photo, puis des visites virtuelles et enfin des vidéos à 360° pour la fameuse GoPro Fusion. J’ai beaucoup appris dans ce grand groupe !
C’est pour apporter votre expérience à d’autres que vous avez ouvert le Hub des Alpes ?
Tout à fait ! Je voulais surtout redonner au territoire savoyard ce qu’il m’a apporté. Sans montagne, pas de panorama. Sans panorama, pas de Kolor, pas de GoPro, pas d’ouverture !
Et puis je suis contemplatif, inspiré par mes ressentis. Tentez l’expérience : écoutez vos frustrations, vous y trouverez sûrement une idée de marché ! C’est comme ça que sont nées les plus belles réussites de la décennie, Airbnb, Uber, YouTube… Il y a 15 ans, j’aurais adoré rencontrer des entrepreneurs dans un lieu comme le Hub, pour avancer…
Que propose le Hub des Alpes aux entreprises de la région ?
1500 m2 d’espaces neufs et connectés, des salles privatives ou collaboratives, un bistrot chic… Le Hub est avant tout un site facilitateur de business, de performance, d’innovation high-tech, d’Intelligence Collective, conçu pour les entreprises locales. Nous fédérons une communauté d’experts de la transformation digitale et managériale et nous sommes alliés avec différentes structures comme French Tech in the Alps, l’espace de coworking le ō79 ou l’espace culturel la Dynamo à Chambéry. Ma collaboratrice, Ingrid Fabre, spécialiste du développement local et touristique, est Directrice générale du Hub. Elle sélectionne les experts, gère un programme de conférences et la location des salles que nous mettons à disposition pour les keynotes, ateliers, séminaires, réunions et formations. Nous attirons toutes sortes de structures : Ekosport, Valrhona ou encore le barreau de Chambéry viennent régulièrement profiter de nos compétences et… de notre vue imprenable sur la montagne !
Quel est votre rôle dans ce nouvel espace ?
J’exerce trois métiers :
Conseil en entreprise avec AJC (Alexandre Jenny Conseil). J’aiguille des sociétés, de la start-up au grand groupe, sur des thématiques comme l’innovation, la stratégie, les tendances technologiques, etc.
Investisseur : j’ai participé au financement de 11 start-up auxquelles je crois, dans les secteurs Foodtech, jeux vidéo, images ou IoT comme BrainSport ou VRtice.
Accélérateur de croissance : j’ai rejoint le Grow Spot (« Grow » comme croissance) avec sept autres entrepreneurs. Nous accompagnons 17 start-up d’Annecy et Chambéry. Au menu : partage de carnets d’adresses, coaching personnalisé en digital mais également en RH ou finances. Experts comptables, cabinets d’avocats, agences de communication, banquiers… Nos coachs interviennent à la demande auprès des « accélérés ». Parmi eux, les créateurs des bornes de sondage connectées Skiply, les spécialistes de la vidéo SkewerLab et la plateforme de mise en relation entreprises / freelances Coworkees.
Quels conseils donnez-vous régulièrement aux jeunes entrepreneurs ?
Pour durer, se préparer au marathon, pas au sprint. Travailler 50 h par semaine, pas 70h, s’occuper de son corps et de son esprit, trouver le bon équilibre entre le pro et le perso. Pour convaincre, être transparent. Les marques puissantes dans ce domaine gagnent la confiance des consommateurs et vendent mieux. Les applications de type Yuka vont se généraliser et permettre à chacun d’analyser et de comparer l’impact des produits et des services de grande consommation.
Pour séduire, être responsable. Le modèle économique de la marque Veja va devenir une évidence. Cette marque de baskets se développe sans publicité (70% du coût d’une basket de grande marque est lié à la publicité) pour privilégier matériaux écologiques et bons salaires.
Pour se développer, innover et collaborer. Les idées disruptives vont s’intégrer dans les programmes industriels les plus importants, grâce à leur valeur ajoutée.
Pour réussir, saisir la tendance. L’adéquation des produits et services avec le marché est la seule clé d’un bon lancement. Je reviens du Consumer Electronic Show de Las Vegas : des start-up aux grands groupes, chacun a compris l’influence du changement climatique sur notre économie mondiale. La Savoie, avec ses stations, sera la région de France la plus impactée économiquement. Elle sera en même temps la moins impactée sur le plan hygrométrique. La mutation des stations est en cours, la voie est ouverte aux innovations qui vont leur permettre de résister au réchauffement.
Pour être compétitif, automatiser. Dans une usine comme dans un bureau, l’automatisation des tâches répétitives optimise la marge nette des entreprises. En passant de 5 ou 10% de marge à 30%, elles dégagent alors des fonds pour investir, croître et embaucher.
Quelle est votre ambition pour les années à venir ?
J’aimerais donner encore plus de visibilité à notre territoire en accompagnant le parcours d’une dizaine de start-up innovantes. Nos entreprises qui marchent bien comme Botanic, Somfy ou WiiSmile font honneur aux valeurs de transmission, de réussite locale et intergénérationnelle. Je suis fier de faire partie de ces entrepreneurs qui se sont réunis pour aider les jeunes pousses locales à se développer. Notre région possède un potentiel incroyable, aidons-la à évoluer !