Livio Elia : citoyen du monde et des Pays de Savoie
Cet ingénieur franco-italien savoyard, chambérien d’adoption, dirige la société suisse Eskenazi, fabricant d’outils coupant pour l’usinage de précision. Son parcours professionnel lui a inculqué l’importance de l’écoute et de l’humilité pour relever des défis managériaux.
Vous sentez-vous avant tout savoyard ou citoyen du monde ?
Je suis franco-italien et un authentique Savoyard puisque je suis né à Turin, j’habite à Chambéry et je travaille dans le quartier genevois de Carouge. Finalement, je suis donc, comme je le dis souvent, du royaume de Piémont-Sardaigne. Ingénieur diplômé de Politecnico à Turin et de la London Business School, j’ai pu avoir une carrière professionnelle internationale tout en restant basé en Savoie. D’abord dans le groupe SKF comme DG de Transrol à Bissy, puis, comme Président de l’activité automobile avec des sociétés localisées en Europe, en Asie et aux USA. Ensuite, j’intègre le groupe international Tivoly, basé à Tours-en-Savoie, en tant que PDG. Aujourd’hui, je dirige la société familiale créée en 1916, Eskenazi, qui se situe à Carouge, près de Genève. Nous fabriquons des outils coupants pour l’usinage de précision, en particulier pour la micromécanique. Nous apportons des solutions d’usinage dans le secteur de l’horlogerie, des instruments de mesure de précision, du médical, de l’aéronautique et de l’automobile. Nous sommes l’un des rares fabricants à maîtriser l’ensemble des phases de fabrication, de la poudre de carbure jusqu’à l’outil de coupe. Je suis donc un authentique Savoyard mais également un citoyen du monde pour avoir dirigé plusieurs sociétés sur les trois continents.
Quelles leçons de management avez-vous retenues de votre parcours à la tête d’une multinationale puis d’entreprises familiales ?
La principale leçon ? L’écoute est la chose la plus importante qui soit et il faut toujours rester humble quand on doit relever de nouveaux défis technologiques et commerciaux. Depuis trois ans nous menons, par exemple chez Eskenazi, une révolution numérique à marche forcée. Cette entreprise centenaire a dû se projeter dans l’avenir en adaptant son outil industriel à la transition numérique et à “l’Industrie 4.0”. Pour cela, nous avons dû écouter nos clients et nos collaborateurs afin de réorganiser notre structure. Notre gamme de produits et solutions a été complètement revue. La production a été automatisée et robotisée, de nombreuses tâches administratives répétitives ont été supprimées ainsi qu’un grand nombre de travaux pénibles. Nous avons mis en place un outil numérique dans notre site web permettant à nos clients de sélectionner, calculer et commander directement en ligne les outils adaptés à leurs besoins d’usinage de précision, ce qui est très rare dans une activité en Business to Business. Du coup, nous avons dégagé plus de temps pour la R&D et fait migrer nos salariés vers de nouvelles tâches. Il a fallu impliquer tout le monde et tenir le cap dans un univers où nos métiers évoluent tous les six mois avec les nouvelles technologies.
Y-a-t-il pour cela une différence notable entre le management à la française et le management helvétique ?
Quelles que soient leur taille et leur nationalité, les entreprises industrielles sont aujourd’hui toutes logées à la même enseigne avec une “ardente” obligation d’innover. Cela dit, il me semble que les sociétés de succès sont celles où il y a plus de dialogue dans l’entreprise, où l’on fait plus confiance aux équipes et où les procédures ne dominent pas l’humain et sa créativité. Chez Eskenazi, nous décidons des procédures ensemble et nous veillons ainsi à faire toujours une large place au facteur humain. En outre, les nouvelles technologies renforcent encore cette dimension en permettant de donner plus d’autonomie et de responsabilité aux salariés. Mais peut-être que mon multiculturalisme et mes expériences précédentes me conduisent également sur cette voie managériale, tout ne se réduisant pas à une question de frontière.