Christophe Mottet : « Il ne s’agit pas de plaire mais d’être »
Nourrir une ambition artistique exigeante en ouvrant une galerie de référence à Chambéry. C’est le pari de Christophe Mottet qui promeut le travail de jeunes peintres régionaux comme Théodore Mann ou Romestant. Ce défenseur d’un nouvel art abstrait établit sur le long terme avec ses artistes une relation de confiance dans un dialogue d’égal à égal. Il veut ainsi permettre à chaque artiste de parvenir à maturité, en l’accompagnant au quotidien dans le respect de son univers.
A 40 ans passés vous avez fait le choix de vivre pleinement votre passion artistique, quand et comment avez-vous pris cette décision ?
Christophe Mottet – Cette décision s’est imposée par nécessité, la conséquence d’une force intérieure qui vous pousse et sur laquelle vous ne pouvez finalement pas faire grand-chose. J’avais un peu plus de 40 ans et je travaillais en tant que Medical Science Liaison au sein du département médical d’un laboratoire pharmaceutique. Étrangement je n’ai jamais vécu ce moment comme une rupture mais plutôt comme une continuité. Cette aventure a d’abord occupé tout mon temps libre pendant deux ans puis j’ai fait le grand saut en 2016 pour m’y consacrer totalement. Savoyard d’origine, je veux conserver à la fois un fort ancrage régional par l’implantation de ma galerie à Chambéry et une ouverture sur l’Europe pour son développement commercial ; cette particularité est l’ADN de la Galerie.
Quelle peinture défendez-vous ?
Christophe Mottet – Un nouvel art abstrait, du nom de l’essai philosophique que je viens de publier « New Abstract Art, masse, champ et espace-temps ». Ce qui m’intéresse, ce n’est pas uniquement ce qu’il y a dans le tableau mais son impact dans l’espace. Pour moi la beauté d’une œuvre d’art réside dans sa capacité à courber l’espace-temps. Je m’attache donc à créer les conditions pour que le spectateur puisse « voir » cet invisible. Cela se traduit par un accrochage épuré, minimaliste où chaque tableau a son espace en propre pour minimiser les interférences. Le fonctionnement de la Galerie est atypique, en rupture à bien des égards avec les modèles des galeries existantes : peu d’artistes (en contrat d’exclusivité pour souligner l’engagement et l’accompagnement à long terme), une communication internet à minima et une maison d’édition pour soutenir sa philosophie et le travail des artistes (monographie, catalogue, essai…). Par le faible nombre d’artistes, la réussite ne peut être que collective. Actuellement je n’expose que deux artistes régionaux : Théodore Mann, 33 ans, de Grenoble et Romestant, 36 ans, de Puygros près de Chambéry. Natarajaa, une artiste allemande d’origine indienne vient d’intégrer la Galerie.
Votre démarche est très exigeante sur le plan artistique, devez-vous néanmoins faire des concessions au marché pour développer votre activité ?
Christophe Mottet – Oui. La réalité économique s’impose. Par exemple, si les foires d’art contemporain ne sont pas le lieu idéal pour défendre le New Abstract Art, elles sont aujourd’hui devenues incontournables pour développer notre activité à l’échelle européenne. L’activité de la Galerie se répartie donc entre trois à quatre expositions par an à Chambéry et autant de foires d’art contemporain (Art Fair Karlsruhe en Allemagne, Kunst Zürich en Suisse, Yia Art Fair Paris). J’envisage d’intensifier notre présence sur les salons (Art Paris, Art Cologne, Art Bruxelles). Si le marché nous contraint parfois à quelques concessions sur le mode de diffusion, aucune concession n’est faite à la création artistique. Il ne s’agit pas de plaire mais d’être. Privilégiant l’expérience sensorielle, le face à face entre l’œuvre d’art et le spectateur est indispensable ; la Galerie ne propose donc pas ses tableaux dans des sites internet dédiés à la vente d’art.
Comment accompagnez-vous vos artistes au quotidien?
Christophe Mottet – L’accompagnement est double : économique et humain. Le Galeriste est avant tout un entrepreneur, la rentabilité et la visibilité de son entreprise sont indispensables s’il veut continuer à défendre ce qui l’anime. S’assurer de la pérennité de l’espace où les artistes peuvent s’exprimer et générer des revenus sont la première forme d’accompagnement du galeriste. Il y a également l’accompagnement humain. L’œuvre d’art est l’extériorisation de l’intériorité de l’artiste. Le cheminement artistique d’un artiste est étroitement lié à son cheminement intérieur. J’essaie à ce niveau d’être présent sans ingérence par l’écoute, le dialogue, le partage d’expérience en respectant la singularité de chacun. Notre objectif est commun : étudier, comprendre, progresser, s’entraider pour donner le meilleur de nous-même au service de la Collectivité, de l’Art et de la Galerie.
Qui sont vos peintres préférés ?
Christophe Mottet – Les expressionnistes abstraits américains comme Pollock, Rothko ou Barnett Newman mais aussi Vermeer, Rembrandt et surtout Cézanne qui reste, pour moi, la grande référence.